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4 bonnes pratiques de co-création pour passer de buzzword à création de valeur

La co-création : de quoi parle-t-on ?

En théorie, innover est simple : il s’agit de comprendre ce que veulent les consommateurs et de l’offrir, mieux et plus vite que la concurrence. Et pourtant, 80 % des innovations échouent [1].

Afin de renforcer leur capacité d’innovation et de développer des produits qui répondent au plus aux besoins et envies de leurs clients, les entreprises se tournent de plus en plus vers des approches co-créatives. En effet, traditionnellement, le développement de nouveaux produits suit un processus linéaire qui n’inclut les clients que ponctuellement : en amont lors des études de marché et au moment du déploiement.

La co-création quant à elle, consiste à s’engager et à collaborer avec les différentes parties prenantes (y.c. les clients) pour exploiter leur créativité tout au long du processus de développement du produit. En somme, il s’agit donc d’innover avec les clients, plutôt que pour eux. Cela vous paraît simple ? Oui, mais co-créer avec succès n’est pas facile pour autant.

Des résultats encore mitigés

En effet, si la co-création a donné lieu à des succès largement médiatisés dans certaines entreprises (la plateforme de co-création Décathlon[2], les lunettes intelligentes de DHL [3], ou encore le magasin IKEA Madeleine [4]), les défis que les entreprises doivent surmonter pour construire et maintenir un modèle productif de collaboration sont en général minimisés, voire ignorés. Il s’agit en effet d’un changement fondamental qui consiste à passer d’une situation privée et secrète à une situation ouverte et collaborative, et cela n’est pas inné à la majorité des entreprises. Aussi co-créer signifie sortir des processus de développement de produit classiques et requiert une forte adaptabilité et agilité.

Ainsi, des études ont montré que l’impact de la co-création sur l’innovation en matière de nouveaux produits n’est pour l’instant ni statistiquement significatif ni économiquement pertinent, n’augmentant la probabilité de succès des innovations que d’un maigre 4 % [5]. Alors pourquoi la co-création remporte-t-elle encore autant de succès dans le choix des stratégies d’innovation des entreprises ?

Le pouvoir de la co-création

  • Connaître et comprendre son client plutôt que de l’imaginer

Imaginer qui sont vos clients et ce qui les intéresse est un début, or c’est également imprécis et vous risquez de vous méprendre. Leur poser directement ces questions et les faire participer au processus de développement de nouveaux produits, dès l’idéation, est bien plus efficace et pragmatique. En effet, la co-création permet le développement d’offres plus pertinentes grâce à une connaissance plus approfondie des besoins et aspirations du consommateur. Ainsi, les risques d’échecs commerciaux sont amoindris.

En plaçant le client au centre du processus de création de valeur, la co-création permet de passer d’une « product story » à une « people story » qui raconte l’expérience des clients impliqués, qui passent ainsi du simple rôle de consommateur à celui d’ambassadeur pour les produits et l’organisation avec laquelle ils ont collaboré.

  • Echouer rapidement pour apprendre souvent

Pouvoir partager un concept ou une idée avec un public externe, obtenir rapidement un feedback, apporter des modifications, puis réaliser une nouvelle itération – autant de fois que nécessaire – constitue un avantage fondamental de la co-création. En effet, en ayant recours à la co-création dès le début du processus de développement du produit, on réduit le risque d’investir dans un concept de produit qui, en fin de compte, échouera au moment de sa commercialisation. Cela permet ainsi de limiter les pertes  financières associées à l’échec, souvent tardif.

Mais la limitation des pertes n’est pas le seul bénéfice lié à l’accélération de la réalisation d’échecs certains. A chaque échec, l’équipe et l’organisation apprennent, faisant du processus de co-création un processus vertueux d’apprentissage et d’amélioration continue à travers les leçons tirées des échecs passés et appliquées aux co-créations futures.

  • Renforcer la créativité par la diversité

Plutôt que de regrouper des profils très similaires qui pensent de la même manière, qui sauront collaborer et auront peut-être moins de désaccords, la co-création favorise le rassemblement de profils hétérogènes, qui n’ont pas nécessairement l’habitude de travailler ensemble. C’est également vrai au sein même de l’organisation, ce qui permet de générer plus de discussions et donc de réflexion autour du produit qui est développé.

Pour innover et créer de la valeur, il ne suffit pas de mieux faire ce que l’on fait déjà. Les approches classiques d’efficacité opérationnelle sont donc inadaptées dans ces contextes. Innover, c’est proposer quelque chose de différent et de nouveau. Ainsi intégrer des points de vue externes à l’entreprise, mélanger les rôles et désiloter l’organisation permet de sortir du cadre établi et de faire tomber les barrières à l’imagination pour générer plus d’idées et ainsi maximiser les opportunités de création de valeur.

  • Développer des profils adaptés aux enjeux d’aujourd’hui et de demain

Au-delà du développement de nouveaux produits, les bénéfices de la co-création s’étendent également au développement des compétences au sein de l’entreprise. En effet, les compétences en matière de co-création constituent une capacité importante pour les entreprises, car elles nécessitent des processus agiles, des cycles de test et d’apprentissage rapides et une compréhension approfondie des clients.

Ainsi savoir co-créer signifie savoir s’adapter à des contextes, situations et profils divers, et les adresser avec structure, créativité et ingéniosité. Des qualités très précieuses dans un environnement en constante évolution.

Les bonnes pratiques dans la conception et la pratique de la co-création

Lorsque l’on parle de co-création, certains imaginent que permettre aux parties prenantes de créer leurs propres expériences ressemble à une recette parfaite pour atteindre l’anarchie organisationnelle et détruire de la valeur. Il n’en est rien. Bien au contraire, co-créer requiert une structure et une discipline forte pour en atteindre les bénéfices. Ainsi certains facteurs clés de succès doivent impérativement être adressés pour une co-création réussie.

  1. Définir un processus de co-création adapté

Pour co-créer avec succès, un processus et un cadre spécifique doivent être définis. Le processus doit être parfaitement transparent pour l’ensemble des co-créateurs, afin qu’ils puissent mieux se projeter dans les activités dans lesquelles ils s’engagent. Aussi, pour co-créer, l’approche doit permettre l’expression d’idées et leur maturation. Ainsi il convient d’éviter les approches conventionnelles de la génération d’idées, de sorte à pouvoir s’éloigner des pensées conventionnelles. Pour ce faire, le processus doit adresser la question de la faisabilité plus en aval, afin de ne pas anéantir les nouvelles idées. En effet, bien que souvent considéré comme le facteur le plus important, l’étude de faisabilité peut neutraliser les idées en incubation, qui de fait ne sont pas encore assez matures pour que leur faisabilité puisse être étudiée avec pertinence. Il convient en revanche de prototyper au maximum, encore et encore, puis de les détruire et de les reconstruire à la lumière des apprentissages continus afin de produire le prototype le plus performant. De façon simplifiée, le processus de co-création peut être représenté de la façon suivante :

  1. Partir du job to be done

D’après Peter Drucker, « Le client achète rarement ce qu’on pense qu’on lui vend ». Ainsi au lieu de partir d’un produit donné et de chercher à savoir comment les utilisateurs vont s’en servir, il est bien plus pertinent de partir du « Job to be done » (JTBD). Cela signifie comprendre les motivations humaines et les résultats que les personnes recherchent et de les adresser dans le cadre de l’idéation, afin d’imaginer différentes alternatives pour y répondre. Pour l’illustrer simplement, Theodore Levitt indique « Les gens ne veulent pas d’une perceuse. Ils veulent un trou dans leur mur ». Cela s’applique tout aussi bien à la banque : Est-ce qu’un client dirait qu’il a besoin d’une banque ? Non, en revanche il pourrait dire « Je veux que mon argent soit en sûreté » ou encore « Je veux pouvoir transférer mon argent à des tiers ». En partant de ces besoins, les co-créateurs peuvent réfléchir ensemble à comment répondre à ces besoins, sans la contrainte du cadre d’un produit déjà défini.

  1. Développer une communauté forte

Pour transformer un groupe en communauté et la rendre durable, l’interaction entre les individus est essentielle. Ainsi, animer et faire vivre la communauté sont des activités clés pour le succès des co-créations. Les co-créateurs doivent être fédérés autour d’un objectif concret commun et sentir qu’ils font partie à part entière du processus. Les bonnes pratiques en ce sens incluent le partage régulier de l’actualité de la co-création et des prochaines étapes, la création de plateformes d’échange ou encore l’organisation d’évènements comportant des temps d’échange informels de sorte à ce que les participants puissent également tisser des liens personnels et individuels avec les autres membres de la communauté de co-créateurs.

  1. Adresser la motivation des co-créateurs

Les parties prenantes ne participeront pas de tout cœur à la co-création si celle-ci ne produit pas de valeur pour elles. Pour conserver l’engagement de co-créateurs intelligents et créatifs, les incitations financières ne suffisent pas. En ce sens, différents types de motivation existent pour les co-créateurs qu’il est important d’identifier, de comprendre et d’adresser à travers la démarche de co-création, la communication et les échanges avec les co-créateurs. Les typologies de motivation peuvent être de différentes natures :

La définition d’un processus et d’une approche dédiée et adaptée aux spécificités de la co-création et aux besoins des co-créateurs est essentielle. Sans structure et sans cadre, la co-création n’a que peu de chances de réussir et n’apportera que frustration et absence de résultats probants. Une fois structurée, l’approche de co-création a déjà montré son succès dans le domaine bancaire, à la fois pour les clients particuliers et pour les entreprises.

La co-création réussit également aux banques

  • BNP Paribas Cash Management : BNP Paribas co-crée avec ses grands clients entreprises pour développer des solutions concrètes qui répondent aux besoins des trésoriers d’aujourd’hui, tout en les préparant à leur futur environnement opérationnel. C’est dans ce cadre qu’a été développé la solution Benetracker. Il s’agit d’un système de suivi des paiements à l’image du suivi d’un colis afin d’informer les bénéficiaires de l’état des paiements qui leur sont dus. Les clients entreprises de BNP Paribas peuvent ainsi faire profiter leurs bénéficiaires de la traçabilité du paiement en temps réel et de façon très sécurisée, gage d’efficacité, de transparence et de confiance [6].

  • Crédit Mutuel Nord Europe : Mis en ligne début 2019, le site cmne.fr a été réalisé en co-création à la fois avec les clients et les prospects de la banque. 1 000 personnes ont été sollicitées dans le cadre des travaux menés, aussi bien dans la phase de diagnostic que de conception du site. L’objectif était de répondre aux besoins des utilisateurs et d’améliorer leur expérience de navigation. En interne, la co-création du site avec les utilisateurs finaux a permis de décloisonner les services, de favoriser l’intelligence collective et d’apporter des gains sur le temps de réalisation [7].

  • Postbank : La Postbank souhaitait développer une application financière pour les enfants, afin de suivre leurs dépenses et ainsi apprendre à gérer leur argent de manière responsable. Dès les premières étapes de la discussion sur les besoins des jeunes utilisateurs, il est apparu clairement que les idées des chefs de produit adultes étaient complètement différentes des attentes des enfants. Sur la base des commentaires des enfants, l’équipe de projet a pu prendre du recul et a révisé l’ensemble du concept en partant de zéro. Cette co-création a permis d’aboutir avec succès à l’application Young Money.

En conclusion

Adopter la démarche de co-création et l’appliquer avec succès et pertinence n’est pas facile, mais les bénéfices potentiels sont considérables. La co-création insuffle aux organisations une culture de l’innovation et de la collaboration, qui les aide à relever les défis commerciaux d’aujourd’hui et de demain. Ainsi toute organisation qui souhaite placer le client au cœur de ses produits et processus, desiloter son organisation et travailler main dans la main avec la communauté qui l’entoure trouvera dans la co-création un moteur clé pour parvenir à créer de la valeur.

[1] Clayton M. Christensen

[2] https://cocreation.decathlon.fr/about

[3] Christine Crandel (2016), « Customer Co-Creation Is The Secret Sauce To Success », https://www.forbes.com/sites/christinecrandell/2016/06/10/customer_cocreation_secret_sauce/?sh=6b09caea5b6d

[4] Dossier de presse IKEA Paris La Madeleine (2019), page 3, https://www.ikea.com/fr/fr/files/pdf/a4/4b/a44bb8f0/ikeaparislamadeleine_dossierpresse_-6-mai19.pdf

[5] Arjan Tijimes (2010), “Co-creation and Firm Performance: Innovation Success Enhancing Effects of and motives for customer involvement”

[6] BNP Paribas Cash Management (2020), « Benetracker – Incoming payment tracker for beneficiaries », https://cashmanagement.bnpparibas.com/our-solutions/trends-vision/benetracker

[7] Crédit Mutuel (2019), « Le nouveau site cmne.fr est sorti », https://www.creditmutuel.com/fr/actualites/le-nouveau-site-cmnefr-est-sorti.html

 

 

Audrey Ballara-Nectoux
Associée de Fincley Consulting
audrey.ballara-nectoux@fincley.com

 

 

Lena Mazzoleni
Manager de Fincley Consulting
lena.mazzoleni@fincley.com

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