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La loi Pacte et les enjeux de responsabilité sociale des entreprises (RSE) permettront-ils à l’action sociale de gagner enfin en efficacité ?

En 2019, la loi Pacte est venue enrichir les réponses des entreprises face aux enjeux ESG (Environnement, Social, Gouvernance), toujours croissants. Pour les groupes de protection sociale de l’Agirc-Arrco, ces nouveaux outils, comme la « raison d’être » et le statut de « société à mission », sont-ils une opportunité de gagner en efficacité dans leur mission d’action sociale ?

Mesures de l’action sociale en France : un bilan mitigé

En France, les groupes de protection sociale (GPS) et institutions de retraite complémentaire (IRC) mènent des missions d’action sociale définies par l’Agirc-Arrco, la fédération qui régit la retraite complémentaire pour le secteur privé. Les principaux groupes concernés sont AG2R La Mondiale, Malakoff-Humanis et l’Alliance Professionnelle Retraite[1].

Leurs missions d’action sociale ont vocation à répondre aux principes de solidarité, d’assistance, et d’aide aux plus défavorisés, ADN du système de protection sociale français. Au-delà des prestations de retraite, santé et prévoyance proposées à leurs adhérents, les GPS tiennent à leur disposition des prestations d’action sociale. Celles-ci sont généralement réparties par population cible : les demandeurs d’emploi, les seniors actifs, les aidants familiaux, les personnes âgées et les personnes handicapées (cf. ci-dessous).

Aujourd’hui, l’action sociale est principalement financée par un prélèvement sur les cotisations de retraite complémentaire des salariés. Les chiffres de 2017 indiquent 442M€ de ressources, dont 350M€[1] issus des prélèvements, soit 0,6% des 62 Mds€ des cotisations.

Cependant, deux sujets ont été soulevés par un rapport de la Cour des comptes en Février 2019, vivement contesté par les protagonistes :

  • Un manque d’utilisation : « 800 000 bénéficiaires en 2017 soit 2,6% de l’effectif des cotisants » (~36m)
  • Beaucoup de moyens – « plus de 1000 ETP » dans les GPS et IRC, peu de contrôle par l’Agirc-Arrco

Plusieurs causes ont été avancées : « méconnaissance » des bénéficiaires, « manque de lisibilité » de l’offre, « dilution » des actions ou encore concurrence de « dispositifs plus utilisés et plus légitimes comme Pôle Emploi et l’Apec » pour les chômeurs – qui expliquerait le bilan de « 2.177 chômeurs accompagnés en 2017 ».

L’Agirc-Arrco poursuit son effort de structuration pour plus d’efficacité. Par exemple les fédérations répartissent les sujets entre les acteurs. Ainsi en 2020, Klesia a été choisie par l’Agirc-Arrco pour piloter le programme « Ma Boussole » en faveur des aidants. En 2019, Malakoff Humanis dédiait 160M€ aux mesures d’action sociale et 230M€ en 2020[2]. Les résultats sont là : 2 millions de bénéficiaires en 2020 contre 800 000 en 2017.

Ces chiffres montrent que le bilan de l’action sociale menée par l’Agirc-Arrco s’améliore. En parallèle, les enjeux ESG progressent et les nouveaux outils déployés par la loi Pacte offrent encore plus de perspectives pour optimiser les mesures de l’action sociale.

Des perspectives d’avenir optimistes grâce à la loi Pacte

En 2019, le gouvernement a défini un cadre sur les enjeux sociaux et environnementaux (ESG) des entreprises. Désormais, l’entreprise peut contribuer à l’intérêt collectif en précisant sa raison d’être[3]. Plus récemment, la loi Pacte a introduit les notions de raison d’être et d’entreprise à mission pour la croissance et l’emploi.

Au 1er juillet 2021, tous secteurs et toutes tailles d’entreprise confondus, 202 entreprises ayant le statut de société à mission ont été recensées, et 86 avaient défini leur raison d’être, dont 14 acteurs de l’assurance et de la protection sociale (AG2R La Mondiale, MAIF, Klesia SA, Malakoff-Humanis, MGEN, MGP, Apicil, Harmonie Mutuelle…). Cette présence marquée s’explique par les valeurs de l’intérêt général et du bien-être individuel, fortement ancrées dans leur métier et leur ADN.

En 2020, AG2R La Mondiale a défini sa raison d’être « […] permettre à chacun de mieux protéger sa vie et ses proches. Nous conjuguons responsabilités individuelles avec solidarités professionnelles et intergénérationnelles. Ainsi nous contribuons à renforcer le vivre ensemble ». Raison d’être à ne pas confondre avec le statut de société à mission, qui est un engagement juridique modifiant le statut de la société, et donc plus contraignant.

En 2020, la MAIF est devenue l’une des premières sociétés à mission, suivie de Klesia SA. Les acteurs de la protection sociale ne sont donc pas les seuls à monter en puissance face aux enjeux ESG (Environnement, Social et Gouvernance).

Le label de société à mission (SM) est aussi controversé. S’il n’est pas suivi d’actions concrètes, il peut être perçu comme un simple habillage communicationnel. L’hétérogénéité des objectifs sociaux et environnementaux peut perdre les clients. Deux tiers des sociétés à mission étant des entreprises de moins de 50 salariés[5], la comparaison avec les grands acteurs est compliquée.

Les missions d’action sociale poursuivent également un objectif d’intérêt collectif et de bien-être des citoyens. Dès lors, la raison d’être et l’action sociale peuvent répondre, ensemble, aux enjeux environnementaux et sociétaux. Autre concept connexe, l’intérêt général, utilisé par le groupe Klesia comme pilier de sa stratégie.

Ainsi, le développement durable, approche complète et responsable de l’intérêt général, prend tout son sens. Le caractère durable constitue le point central et recouvre les 3 dimensions ESG.

La mission d’intérêt général vise à assurer la pérennité de nos sociétés, de notre écosystème et de notre économie. La France est comptée en Europe et au niveau mondial, parmi les pays pionniers de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Ainsi, d’intéressantes synergies avec les missions de l’action sociale sont à exploiter et peuvent être créatrice de valeur.

Les groupes de protection sociale ont l’opportunité de repenser l’action sociale pour plus d’efficacité. Une autre question à adresser par ces acteurs est l’articulation avec les services associés à l’assurance Santé / Prévoyance, dont le développement est une priorité stratégique.

Après des années laborieuses pour l’action sociale, une prise de conscience de son potentiel est en cours. Les acteurs renforcent leur communication, comme le Groupe Agrica qui affiche 4700 demandes, 1200 personnes prises en charge et 11M€ consacrés aux activités sociales comme l’accompagnement des jeunes (soutien scolaire, recherche de stage…), ou la création de lien social (visite à domicile, activités partagées…). Cependant la visibilité et la notoriété peuvent encore s’améliorer : qui sont les bénéficiaires ? quelles offres sont à disposition ? sous quelles conditions ? quels sont les résultats obtenus ?

Les acteurs de la protection sociale ont pris la mesure des enjeux ESG et compris le potentiel de l’action sociale pour y répondre. La plupart ont fixé une ambition forte, avec des approches différentes comme le recours ou non au statut de « société à mission ». Il reste maintenant à spécifier et mettre en œuvre ces stratégies, pour obtenir des résultats tangibles et reconnus par l’ensemble des parties prenantes, à commencer par les clients.

 


[1] Groupe Agrica, Audiens, B2V, IRP Auto, Lourmel et Pro BTP

[2] Source : Rapport de la Cour des comptes Février 2019

[3] Rapport d’activité Malakoff-Humanis 2020

[4] En effet, l’article 1835 du code civil dispose que  » les statuts peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société set dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité.  » Si cette stipulation statutaire reste optionnelle, on remarquera que la plupart des sociétés du CAC 40 ont déjà modifié leurs statuts pour adopter une raison d’être.

[5] Article ESCP « La société à mission, une entreprise au service d’un développement durable ? », 2021

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