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L’assurance cherche à jouer un rôle dans l’eSanté post Covid

Le système de santé en France est à l’aube d’une refonte profonde, avec un recours massif aux leviers technologiques – on parle de eSanté. Les acteurs de l’assurance jouent déjà un rôle dans la Santé via les complémentaires et mutuelles, et cherchent à jouer un rôle dans la eSanté.

Annoncée depuis des années, la révolution de la Santé en France a été relancée avec le Covid, qui a ébranlé le système en place, et imposé des changements, comme la téléconsultation.

Nombre – en milliers – de téléconsultations par mois, source CNAM

Les téléconsultations ont explosé en 2020 pour atteindre 19 millions sur l’année. Notons que 4/5 d’entre elles ont été réalisées par des médecins généralistes, avec leurs patients habituels. Un verrou culturel a donc sauté. Cela semble irréversible, bien que les habitudes reviennent souvent au galop.

Symbole de la eSanté, la téléconsultation fait partie des services que les assureurs et mutuelles cherchent à développer, à la fois pour fidéliser les assurés et améliorer leur rentabilité. Par exemple le groupe mutualiste Vyv a racheté la plateforme de téléconsultation MesDocteurs dès 2017.

Les poids lourds de l’assurance militent pour le développement de la eSanté. En atteste le rapport de l’Institut Montaigne « E-santé : augmentons la dose. », rapport co-présidé par Thomas Buberl, CEO d’AXA. Outre AXA on retrouve parmi les membres de l’Institut Allianz, Crédit Agricole, CNP, Groupama, et Malakoff Humanis. Le rapport indique un « potentiel de création de valeur entre 16 et 22 milliards d’euros annuels », juste pour la France. L’enjeu est important.

Les assureurs ne sont pas les seuls à s’intéresser à la eSanté, les GAFAM aussi. Microsoft a fait une entrée remarquée avec sa solution Cloud Azure qui équipe le Health Data Hub. Dispositif clé de la eSanté en France, cette « Plateforme de Données de santé » est opérée par un groupement d’intérêt public créé en 2019 par le ministère de la santé pour centraliser les données de santé.

Le choix du géant américain préoccupe cependant la CNIL et la CNAM[1]. Le Cloud Act donne en effet la possibilité aux Etats-Unis d’accéder aux données de santé françaises.

Les rôles restent donc encore à définir dans le grand chantier de la eSanté. Les acteurs de l’assurance ont leur carte à jouer. Quels sont leurs atouts ?

Le Health Data Hub, dispositif clé de la eSanté en France. Source health-data-hub.fr

Selon leur nature les acteurs de l’assurance peuvent jouer différents rôles : investisseur ou facilitateur pour les acteurs historiques, expert technologique pour les champions de l’assurtech[2].

Les acteurs historiques disposent d’un levier financier important. Mettre à niveau le modèle de Santé demande un investissement lourd, par exemple le mise à niveau des infrastructures, ou financement des startups. Autant d’opportunités pour jouer le rôle d’investisseur.

Les complémentaires et mutuelles ont déjà un rôle de prise en charge des coûts et donc une relation avec tout l’écosystème – soignants, administration, patients, représentants sociaux, fournisseurs de soins et de services. Ils peuvent donc intervenir comme facilitateur pour développer la eSanté.

Les gisements d’efficacité se situent dans des processus opérationnels, au-delà des soins eux-mêmes. Par exemple l’accès aux soins, a déjà été amélioré par Doctolib, ou encore Concilio, plateforme d’accompagnement santé pour les salariés. Les assureurs et assurtech peuvent mettre à profit leur expertise et savoir-faire sur certains sujets ciblés.

La lutte contre la fraude est un exemple de sujet commun à l’assurance et la Santé. En Assurance la fraude s’élève à 2,5 Md€ d’après l’Alfa[3]. En Assurance maladie la fraude est estimée à 0,3 Md€, soit 1,8 fois plus qu’en 2010[4]. L’assurtech française spécialisé dans la fraude Shift Technology, membre du Next40 2021[5], illustre le savoir-faire technologique exportable d’un secteur à l’autre.

La cybersécurité est un enjeu pour l’assurance et la Santé, en témoignent les attaques sur MMAMNH, et l’Hôpital de Villefranche, ou les milliers de dossiers médicaux retrouvés sur le darkweb. L’assurance peut partager son expertise, et investir dans des champions nationaux comme Gatewatcher.

L’assurance a déjà lancé sa propre révolution pour améliorer l’expérience client, maitriser les finances, piloter par la donnée et distribuer par les plateformes. Le secteur a gagné en maitrise sur des technologies clés : cloud, big data, robotisation, chatbots, intelligence artificielle, objets connectés ou encore la blockchain. Ces acquis sont utiles pour créer les nouveaux usages de la Santé.

Reste un défi : rétablir l’image de l’assurance, écornée pendant la crise avec la non couverture de la perte d’exploitation et une contribution tardive à l’effort national, sous la pression du gouvernement.

Engagés dans leur propre transformation, à la reconquête de leurs clients, les acteurs de l’assurance ont l’opportunité de jouer un rôle important dans la Santé post-Covid.

Jean Meyer
Partner de Fincley Consulting
jean.meyer@fincley.com

[1] Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Source « Données de santé : nouveau coup de théâtre autour du Health Data Hub », Argus de l’Assurance le 23/2/2021

[2] Assurtech : jeunes acteurs technologiques intervenants en particulier dans l’assurance

[3] Alfa : Agence de Lutte contre la Fraude en Assurance

[4] Rapport de la Cours des Comptes « La lutte contre les fraudes aux prestations sociales »

[5] Le Next40 est un label créé en 2019 par le gouvernement français pour soutenir des leaders technologiques

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