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PANORAMA DES SOLUTIONS DE MUTUALISATION DU KYC

PANORAMA DES SOLUTIONS DE MUTUALISATION DU KYC : 4 – Les solutions développées par les consortiums bancaires : des approches très différentes, des fortunes diverses

« Clipeum, initiée par la Société Générale, place sa communication au niveau de l’expérience client simplifiée qu’elle permettra de délivrer. Le Nordic KYC Utility vise davantage la standardisation de la documentation au niveau régional. »

Nous avons vu dans les articles précédents les différents types d’acteurs qui ont tenté depuis la fin des années 2000 de se positionner comme solution de référence pour la mutualisation des données et de la documentation KYC. Tous ces acteurs sont externes au cercle fermé des « assujettis aux obligations de lutte anti-blanchiment » (et donc aux obligations de KYC) que sont les banques et autres institutions financières, même si certains comme SWIFT en sont très proches, en tant que coopérative détenue par des banques. Néanmoins, l’idée est apparue que ces projets de mutualisation pourraient être traités plus efficacement en mettant autour de la table directement les assujettis eux-mêmes, sans intermédiaire : c’est ainsi que se sont créés un certain nombre de consortiums bancaires dédiés à la mise en œuvre d’une solution mutualisée.

Nous passons en revue dans cet article plusieurs de ces initiatives. La première, Clipeum, initiée par la Société Générale à l’issue d’un parcours « intrapreneurial », place sa communication au niveau de l’expérience client simplifiée qu’elle permettra de délivrer. La seconde, Nordic KYC Utility, vise davantage la standardisation de la documentation au niveau régional. Enfin, une solution sponsorisée par le régulateur singapourien a, elle, été abandonnée.

Un consortium français initié par la Société Générale : Clipeum

C’est dans le cadre d’un programme d’entrepreneuriat interne de la Société Générale qu’un projet visant à simplifier les tâches de vérification d’identité a été développé. Baptisée « Clipeum », la solution consiste essentiellement en un coffre-fort numérique dans lequel les clients viendront déposer les données et la documentation requises, et où les institutions financières viendront piocher selon leurs besoins. L’accent est mis sur le contrôle total accordé au client sur l’accès à ses données par les différentes institutions participantes, ainsi que sur la piste d’audit qui permettra d’assurer la traçabilité des documents.

En revanche, la solution fait le choix de ne pas traiter le sujet de la standardisation des documents. Les clients multi-bancarisés disposeront donc d’une interface unique pour fournir leur documentation, mais cela ne les empêchera pas de devoir fournir plusieurs fois des documents comme les auto-certifications FATCA ou les déclarations sur les sanctions et embargos, souvent proches mais attendus par chaque institution selon leur propre formulaire.

Si la communication du consortium insiste sur les possibilités qu’offre l’outil d’instaurer un « passporting » du client entre différentes institutions participantes, il faut bien noter que l’absence de standardisation contraint ce passporting à rester interne à chaque groupe participant, et encore à la condition que les normes et leur traduction opérationnelle dans le groupe soient bien harmonisées.

L’absence d’intermédiaire renvoie chacun à ses responsabilités : au client de maintenir à jour ses données, à chaque institution de réaliser ses propres contrôles de validité sur les informations et documents fournis. Chaque institution devra également se pencher sur l’intégration de ce système de coffre-fort avec ses propres systèmes de gestion du KYC, ou à défaut, opérer un transfert manuel de l’un vers l’autre.

Ces différents éléments limitent significativement le caractère de « mutualisation du KYC » que comporte le projet Clipeum, même si l’interface client unique interbancaire constitue un argument intéressant. Dans le même temps, certains établissements restés en dehors du consortium ont développé leur propre interface client de collecte de la documentation KYC. Chez BNP Paribas, l’application s’appelle « Welcome ». Disponible pour les clients entreprises du réseau français depuis quelques mois, elle présente l’avantage pour la banque de guider précisément le client à chaque étape de la collecte, réduisant ainsi les risques de devoir retourner vers lui pour une information incomplète ou un formulaire non valide.

Au passage, il est intéressant de noter que le projet Clipeum s’appuie sur la technologie blockchain. Loin de l’engouement général constaté il y a quelques années, la communication de la Société Générale, chef de file du consortium, est aujourd’hui très prudente par rapport aux gains à attendre de la blockchain en termes de coûts sur un tel cas d’usage[1] : par rapport à une division par 10 qui a pu être évoquée au début, les gains sont désormais ramenés dans une fourchette de 25% à 50%.

Dans les pays scandinaves, une autre approche du consortium bancaire s’est développée sur ce sujet, en mettant cette fois-ci l’accent sur la standardisation des données KYC.

Le développement d’une solution régionale : le Nordic KYC Utility

Alors que plusieurs outils étaient disponibles sur le marché, six banques nordiques (Danske Bank A/S, DNB Bank ASA, Nordea Bank Abp, Skandinaviska Enskilda Banken AB, Svenska Handelsbanken AB and Swedbank AB) ont développé par le biais d’une joint-venture, un nouvel outil de gestion des données KYC.

Contrairement à la solution KYC Registry de SWIFT, le Nordic KYC Utility a une visée régionale. L’objectif derrière cette limite géographique était de parvenir à mise en commun du processus d’entrée en relation afin que l’outil soit pleinement utilisable par les six banques nordiques. Initialement prévu pour la fin 2018, le lancement de Nordic KYC Utility a été décalé afin de standardiser au maximum les données, la documentation nécessaire et les vérifications préalables. Si les vérifications et contrôles sont réalisés par la plateforme en concordance avec les standards fixés par les banques nordiques, ces dernières restent responsables des informations obtenues en tant « qu’assujetties ».

Son lancement est finalement prévu pour 2020 après avoir obtenu le feu de la Commission européenne. L’offre visera principalement les grandes et les moyennes entreprises de la région nordique.

Déjà des abandons de projet : l’exemple de Singapour

Toutefois, la présence directe d’institutions financières (et même du superviseur) dans une initiative de mutualisation de KYC ne garantit pour autant son succès. C’est le cas du KYC Utility de Singapour. Le projet, sponsorisé par l’autorité de régulation nationale (Monetary Authority of Singapore), a été stoppé en raison des coûts engendrés par l’outil, lui aussi basé sur la blockchain. L’autorité estimait, d’une part, que les coûts d’utilisation de l’outil seraient supérieurs aux économies espérées et, d’autre part, que le coût de l’intégration de l’outil était trop variable en fonction des systèmes d’information à interfacer. Voilà donc matière à réflexion pour les prochaines plateformes qui, partant des mêmes hypothèses, cherchent à rendre le même service…

Guillaume Soubelet Associé de Fincley Consulting

Guillaume Soubelet
Associé de Fincley Consulting
guillaume.soubelet@fincley.com

Cyril Colotroc Consultant Fincley Consulting

Cyril Colotroc
Consultant Fincley Consulting
cyril.colotroc@fincley.com

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