PANORAMA DES SOLUTIONS DE MUTUALISATION DU KYC : 1 – Les promesses de la blockchain
L’obligation faite aux établissements financiers de réaliser un contrôle poussé de connaissance de ses clients (le « KYC1») se durcit après chaque nouvelle réglementation et engendre des délais croissants à l’entrée en relation pour les clients, et des coûts supplémentaires pour les banques. La pression exercée par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT) oblige les banques à y apporter une attention particulière. En effet, sur les quinze décisions contentieuses rendues par le régulateur depuis janvier 2018, treize concernent un manquement aux obligations en matière de LCB-FT. Les établissements financiers cherchent alors à tirer parti des innovations technologiques afin de les aider à se mettre en conformité avec les différentes réglementations.
Les tenants de la blockchain, au premier chef les éditeurs de logiciels, cherchent à intégrer au maximum cette technologie dans les usages des banques, notamment au sein du processus KYC. Si elle présente des atouts indéniables, la technologie blockchain possède certains inconvénients qui ont poussé les acteurs financiers à se tourner vers d’autres solutions.
Les apports de la blockchain dans le cadre du KYC
« Une blockchain constitue une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. Cette base de données est sécurisée et distribuée : elle est partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne »2.
Pour les équipes de conformité, la décentralisation des informations et documentation en rapport avec le client aurait pour avantage d’améliorer nettement le processus d’entrée en relation avec les clients. Aujourd’hui, une entreprise qui souhaite rentrer en relation avec plusieurs filiales d’un même groupe bancaire (en France pour sa banque du quotidien et ses opérations de factoring, à Londres pour son Forex, ou hors zone euro pour encaisser ses paiements en devises…) doit fournir l’ensemble de sa documentation aux différentes entités concernées. Avec la blockchain, la documentation resterait sous le contrôle du client.
Fort de cet atout qui simplifie grandement les démarches d’entrée en relation pour le client, de nombreux projets ont été lancés par les établissements bancaires afin d’améliorer leur processus KYC. C’est le cas notamment du Crédit Mutuel Arkéa. En collaboration avec IBM, le groupe a testé dès 2017 l’utilisation d’une blockchain privée pour le stockage des dossiers KYC des clients3. L’objectif affiché était de permettre le partage immédiat et sécurisé d’un dossier KYC traçable, lorsqu’un client d’une entité du groupe Arkea souhaite souscrire un produit d’une autre entité, et ainsi éviter les diligences client en doublon et favoriser le cross-selling. Le groupe avait pour ambition de « construire un système unique pour toutes les banques en France et en Europe »4. Toutefois, aujourd’hui, aucune solution s’appuyant sur la seule Blockchain n’a véritablement émergé en tant que solution de Place.[/fusion_text][fusion_text columns= »1″ column_min_width= » » column_spacing= » » rule_style= »default » rule_size= » » rule_color= » » hide_on_mobile= »small-visibility,medium-visibility,large-visibility » class= » » id= » »]
« La mutualisation du KYC nécessite l’intervention d’un tiers pour assurer la gouvernance et la qualité des données, ce qui limite grandement les bénéfices de la blockchain »
Les inconvénients bloquant l’avancée de la blockchain dans le KYC
Quels sont les freins qui empêchent de faire de la blockchain la solution idéale à la transformation du processus KYC ? L’un d’entre eux est l’ouverture des systèmes d’information. De nombreux hacks et vols importants de cryptomonnaies, monnaies utilisant la technologie blockchain, ont été signalés en 20195. Or on sait les banques très peu enclines à prendre des risques avec la sécurité des données de leurs clients.
L’autre interrogation qui entoure l’utilisation de la blockchain pour le KYC est le contrôle de la qualité. Si la blockchain permet le partage de documents et d’information tout en garantissant leur authenticité, elle ne permet pas, en revanche, de s’assurer que les informations sont maintenues à jour. En cas de données erronées, c’est réglementairement la responsabilité de l’institution financière qui est mise en cause. De ce fait, les banques devront soit vérifier elles-mêmes que les informations mises à disposition par les clients sont conformes, soit acquérir une assurance suffisante à partir d’un dispositif de contrôle mutualisé. Compte tenu des disparités dans les informations et documents demandés, les données mises à disposition par le client pourraient convenir à certains établissements bancaires mais pas à d’autres. Une standardisation des informations et de la documentation est nécessaire afin de bénéficier pleinement de la blockchain dans le cadre du KYC. Toutes ces questions de gouvernance, contrôle, standardisation doivent être arbitrées entre tous les participants au système de partage KYC : la technologie, qu’il s’agisse de blockchain ou de toute autre solution, n’aborde pas ces problématiques.
Enfin, l’intérêt principal de la blockchain est d’offrir une plus grande fluidité et rapidité dans les transactions par la suppression de certains intermédiaires. Or, la mutualisation du KYC nécessite l’intervention d’un tiers pour assurer la gouvernance et la qualité des données, ce qui limite grandement les bénéfices de la blockchain.
La mutualisation d’une partie des diligences KYC, en particulier la collecte des données client, est une option privilégiée par les banques pour répondre aux exigences de KYC de la manière la plus efficiente possible, nous le verrons dans les articles suivants via les nombreuses initiatives de Place. Mais ce type d’initiatives suppose un important travail d’alignement entre les participants. La blockchain, en tant que technologie, n’offre pas de réponse à ces sujets. Nous passerons en revue dans les articles suivants les différentes initiatives lancées par la Place, dont certaines, minoritaires, exploitent la technologie blockchain, mais qui s’attachent surtout à résoudre les problématiques de mutualisation et de gouvernance.
Cyril Colotroc
Consultant Fincley Consulting
cyril.colotroc@fincley.com
Guillaume Soubelet
Associé de Fincley Consulting
guillaume.soubelet@fincley.com