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Quelles leçons tirer des différentes crises bancaires de 2023 ?

Quelles leçons tirer des différentes crises bancaires de 2023 ?

En mars 2023, le système bancaire américain a subi un stress important menant à la faillite de plusieurs banques régionales. La crise a engendré une perte de confiance dans la résilience des banques, nécessitant une intervention des pouvoirs publics pour atténuer l’impact du stress.

En octobre 2023, le comité de Bâle a publié un rapport traitant des causes de la crise bancaire et présentant les premières leçons qui peuvent en être tirées. Bien que les faillites bancaires observées aient pour origine des facteurs idiosyncratiques, des thématiques communes peuvent être identifiées.

Un an et un mois après la crise bancaire de 2023, nous synthétisons plusieurs de ces thématiques dans cet article.

 

Que s’est-il passé ?

Le cas des banques régionales américaines : Silicon Valley Bank – Signature Bank – First Republic Bank

La First Republic Bank (FRB), la Silicon Valley Bank (SVB) et la Signature Bank (SBNY) étaient respectivement les 14ème, 16ème et 29ème, banques américaines en taille de bilan.

Durant les années précédant la crise, les trois banques ont vu leur bilan croître considérablement, bénéficiant notamment d’une collecte de dépôts importante provenant de la croissance rapide du secteur technologique durant une période de taux exceptionnellement bas.

Les trois banques étaient donc fortement dépendantes des dépôts (près de 90% du passif de SVB) et exposées à un risque de concentration élevé par secteur et par type de client ; les clients étant essentiellement des entreprises et des personnes fortunées dont les dépôts étaient conséquents.

De plus, la majorité de ces dépôts étaient non-assurés et comportaient donc un risque de fuite élevé en cas de perte de confiance dans la banque. Rappelons qu’aux Etats-Unis les dépôts sont assurés par la Federal Deposit Insurance Corporation jusqu’à 250 000$.

La part des dépôts non-assurés de SVB et SBNY atteignait 70% des passifs totaux. À titre de comparaison, la médiane des banques de taille similaire se situe autour de 30%.

La collecte de SVB était investie dans un portefeuille de titres adossés à des créances hypothécaires garanties par l’état de maturité 10 ans ou plus (les dépôts sont généralement considérés comme considérablement plus court terme) exposant la banque à un risque de taux d’intérêt conséquent.

De plus, la plupart de ces titres étaient détenus jusqu’à échéance (« Held To Maturity ») ce qui implique qu’ils étaient comptabilisés au cout amorti, sans prise en compte des pertes latentes.

En 2022, lorsque les taux commencent à remonter, SVB voit :

  • ses dépôts fondre en raison des retraits effectués par les entreprises du secteur technologique ayant des besoins de liquidité ;
  • les pertes non réalisées sur les actifs augmenter fortement, la valeur des obligations à taux fixe baissant mécaniquement lorsque les taux montent.

SVB a donc été forcée de liquider son portefeuille de titres et de constater des pertes significatives, ce qui a engendré une perte de confiance dans la banque et une accélération de la fuite des dépôts entraînant in fine la fermeture de la banque.

Après la faillite de SVB, les déposants perdent confiance en FRB et SBNY ce qui entraîne une accélération de la fuite des dépôts menant ultimement à la fermeture des deux banques.

Les taux de fuite des dépôts observés chez les trois banques ont été les suivants :

  • La Silicon Valley Bank : 25% des dépôts en un jour ;
  • La Signature Bank : 20% des dépôts en un jour ;
  • La First Republic Bank : 57% des dépôts sur le premier trimestre 2023.

La crise bancaire de 2023, bien que très localisée aux États-Unis, a également impacté le système bancaire européen.

 

Le cas de Credit Suisse

Credit Suisse (CS), banque d’importance systémique dont les actifs totalisaient 531 Mds de CHF à fin 2022, avait récemment fait l’objet d’une série de résultats négatifs, de plusieurs mesures coercitives du superviseur bancaire suisse et de plusieurs scandales (notamment la faillite du fonds spéculatif Archegos), ayant mené à une profonde perte de confiance des clients, des marchés, des agences de notation et du régulateur envers la banque.

A la suite de rumeurs sur la santé financière de CS, la banque a subi en octobre 2022 une première vague de retraits de ses dépôts, en particulier sur la division gestion de patrimoine. Ces sorties de dépôts de 92 Mds de CHF correspondent à peu près aux 91 Mds de CHF modélisées dans le LCR. Sur l’ensemble du 4ème trimestre 2022, la fuite représente 37% des dépôts.

En mars 2023, à la suite de la publication du rapport annuel de CS et à l’effondrement des banques régionales américaines, CS subit une deuxième vague de sorties des dépôts. La fuite des dépôts sur les 6 derniers mois représente alors 55% des dépôts totaux.

Bien que CS respecte toujours ses exigences réglementaires en matière de liquidité, la banque demande à utiliser les facilités d’urgence de la Banque Nationale Suisse.

CS perd ensuite l’accès au marché des devises et la Banque Nationale Suisse doit alors mettre à disposition de CS les monnaies étrangères requises.

Le régulateur et la Banque Nationale Suisse décident finalement d’organiser le rachat de CS par UBS pour préserver la stabilité financière et protéger l’économie Suisse.

C’est donc l’épuisement des réserves de change de CS qui a été déterminante dans la crise subie par la banque plutôt que les sorties de trésorerie prévues par le LCR.

 

Ci-dessous une comparaison des taux de fuite des dépôts observés chez les banques en difficulté et des taux de fuites prévus par le LCR

 

Quelles leçons en tirer ?

 

Risque de concentration des dépôts

La croissance rapide des banques régionales américaines dans les années précédant la crise n’a pas été accompagnée des améliorations requises en matière de gouvernance et de gestion des risques créant ainsi des défis pour le superviseur.

Ces nouveaux modèles d’affaires plus agressifs engendrent un risque accru notamment au niveau de la concentration des dépôts.

Au vu de la rapidité et du volume des retraits de dépôts, particulièrement sur les dépôts non assurés et « high value », la supervision du risque de concentration se pose.

 

Limites des ratios de liquidité (LCR / NSFR)

Le cas de Crédit Suisse est intéressant car il montre que l’exigence sur le LCR est respectée sur l’ensemble de la durée de la crise, ce qui démontre les limites du LCR comme indicateur de la capacité de la banque à faire face à un choc de liquidité soudain.

Premièrement, une part importante des titres HQLA détenus par CS pour être conforme au LCR était en fait détenue pour des objectifs autres que couvrir un stress de 30 jours sur les sorties de trésorerie, comme décrit par le cadre du LCR.

Deuxièmement, les taux de fuite sur les dépôts prévus par le LCR ne correspondent pas aux taux de fuite observés chez les banques touchées par la crise.

On note comme facteur important le rôle de la digitalisation dans l’accélération de la fuite des dépôts. Les sorties de dépôts se font de façon purement numérique et sans attroupement devant les filiales de la banque (digital bank run). De plus, la propagation d’information via les réseaux sociaux peut engendrer une perte de confiance envers une banque en difficulté en quelques heures, et ce à l’échelle internationale.

Un autre point intéressant concerne le ratio de liquidité structurelle NSFR (« Net Stable Funding Ratio ») : Le NSFR de Crédit Suisse est passé de 126% à 136% entre 2021 et 2022 alors que le NSFR agrégé des banques européennes est resté stable à 120%.

Le calibrage des dépôts dans les ressources stables (« Available Stable Funding ») ne correspond pas aux sorties de trésoreries observées chez CS durant la crise.

Le ratio NSFR avait été mis en place pour anticiper des éventuels problèmes de refinancement par les investisseurs institutionnels et ne prend pas en compte le fait que les dépôts ne sont pas toujours stables.

 

IRRBB

Une thématique commune aux banques régionales américaines ayant fait faillite est leur forte exposition au risque de taux d’intérêt. Bien que ces banques n’étaient pas sujettes aux standards de l’IRRBB (« Interest Rate Risk in the Banking Book »), la crise soulève plusieurs questions sur le traitement du risque de taux d’intérêt dans le cadre Bâlois.

Les bonnes pratiques devraient prendre en compte :

  • les risques provenant de l’impact des variations futures de taux d’intérêts ;
  • mais aussi les pertes non-réalisées dues aux variations passées de taux d’intérêts.

Pour les titres held to maturity (HTM) qui sont détenus au coût amorti, la réévaluation n’est pas requise et les pertes latentes non comptabilisées.

En temps de crise, le capital réglementaire pourrait donc surestimer la capacité de la banque à absorber les chocs si les pertes non réalisées sur les titres HTM ne sont pas adéquatement reflétées.

 

 

 

 

Nicolas VIGIER
Manager

nicolas.vigier@fincley.com
06 40 49 57 22

 

 

 

Christophe DARROY
Consultant senior

christophe.darroy@fincley.com
06 42 07 15 13

 

 

 

 

 

 

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